SETIF.INFO

Accueil > Setif.info (1999-2021) > Culture > Exils : de Sétif à Paris

PARIS (13)

mercredi 31 août 2011, , article écrit par Ammar Koroghli et publié par La rédaction


Et pourtant… Et pourtant combien la Seine a-t-elle avalé de corps d’Algériens qui, après avoir été massacré à mort, ont été jetés de sang froid par des policiers… Ce jour là, le 17 octobre 1961, ils furent traités de « Sale race, ratons, bicots » ; autant d’injures. Quel accueil réservé alors aux miens à Montreuil, Nanterre, Quartier latin, Porte de Champerret, Porte de la Villette, Argenteuil, Paris 18è… Monsieur Papon pouvait dire alors : une grande partie des Algériens sera refoulée dès cette semaine sur l’Algérie, ainsi que les commerçants algériens qui suivraient demain les consignes de grève du FLN… S’ensuivent injures, matraques, noyades, strangulations, pendaisons, terreur, torture…

Légitimement, je m’interroge sur ce qui s’est passé ce jour là. Quel a été le nombre de corps d’Algériens et d’Algériennes littéralement avalés par la Seine. Jetés de sang froid par les forces de l’ordre de l’époque, après avoir été massacrés. Souvent, ces corps portaient des traces de strangulations. Le nombre de morts ? 140 selon les services de l’Inspection générale de la police ; entre 200 à 327 selon la Fédération de France du FLN. Mais aussi, tout aussi officiellement : 9260 Algériens furent détenus dont 6600 au Palais des Sports, 860 à Vincennes, 1800 au stade de Coubertin et ailleurs. Les chiffres signifient-ils quelque chose ?
Et pourtant que réclamaient alors mes compatriotes au pays des droits de l’homme ? « A bas le couvre-feu. Négociez avec le GPRA. Vive le FLN. Indépendance de l’Algérie ». La France pouvait comprendre ces slogans scandés de façon pacifique, elle qui a subi l’occupation nazie… Que non ! Dès leur descente des cars, ils étaient accueillis pas des « Sale race », « ratons », « bicots » avec force frappes à coups de poing, de pied, de crosse, de nerfs de bœuf ; furent également utilisés les supplices de l’eau, de l’empalement sur une bouteille, de l’électricité…La chasse au faciès eut lieu ce jour là. Un policier français témoin a pu dire alors : Il m’a été pénible d’assister à des actes indignes d’êtres civilisés… des actes d’une bestialité révoltante ont été commis de propos délibéré par des policiers. Le nombre de doigts écrasés, de côtes enfoncées et de fractures du crâne ne se compte plus… Je ne m’étendrai pas sur ce sinistre tableau d’une sauvagerie inouïe.
Un médecin militaire, français également : L’entrée du stade franchie, c’est une vision d’horreur à laquelle, naïvement, je ne m’attendais pas. L’impression est celle d’un troupeau de bestiaux parqués dans un espace trop étroit (…). Le commissaire principal m’a avoué qu’il n’avait jamais vu ses hommes se déchaîner avec une telle sauvagerie…

Comment vivaient ces victimes ? Souvent entassées dans de vieux hôtels ; on rapporte que les plus favorisés ont une chambre pour deux, mais il n’est pas rare que quatre garçons s’entassent dans une même pièce. Certains vivent ainsi depuis dix ans. D’autres encore occupent le même lit à deux : l’un le jour, l’autre la nuit, selon leurs horaires de travail...
(à suivre)


Ammar Koroghli

Dans la même rubrique