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Les malades mentaux à Sétif

Des maux pour le dire

lundi 19 mai 2008, , article écrit par Dr Mabrouk Laoudj, Le Sétifois n°3 et publié par La rédaction


lors, face à la demande sans cesse croissante d’une assistance psychiatrique, tant pour l’adulte que pour l’enfant, on ressent d’autant
plus l’inadéquation des structures existantes et la pénurie en matière
de personnel médical et paramédical spécialisé en psychiatrie.

La distribution des pathologies mentales dans la population de la wilaya de Sétif est en rapport avec plusieurs causes. Pour mieux connaître l’étiologie des processus pathologiques observés jusque là, il serait préférable d’en connaître parallèlement les étiologies qui en expliquent leur genèse. Les moyens à mettre en oeuvre pour planifier la prise en charge des malades mentaux exigent une organisation basée sur la qualité des soins psychiatriques ainsi que sur les moyens mis en oeuvre en matière de prévention et d’hygiène mentale. Alors, face à la demande sans cesse croissante d’une assistance psychiatrique, tant pour l’adulte que pour l’enfant, on ressent d’autant plus l’inadéquation des structures existantes et la pénurie en matière de personnel médical et paramédical spécialisé en psychiatrie.

LES MALADES MENTAUX ENTRE L’HOPITAL, LA RUE ET LA PRISON : QUEL MALHEUREUX AVENIR !

Désormais, la maladie mentale marginalise doublement l’individu. D’une part, il y a les manifestations symptomatiques et d’autre part il est persécuté par la société qui le rejette de son cadre de vie. Devant cet état de fait, les malades se retrouvent généralement livrés à la merci du destin. On les observe dans toutes les villes, à l’instar d’ailleurs de Sétif, ils errent dans un environnement à la fois hostile et inhospitalier. La plupart des malades entraînés parfois par leur délire commettent des actes délictuels et finissent en prison. Ceux qui échappent à leurs impulsions et perdent le contact avec la réalité, se voient étalés leur corps sur les trottoirs. Ils ne recourent pas à la mendicité. Le seul lien qui les maintient dans la vie, c’est leur malheureux avenir, qui finalement ne leur dispose que la rue, l’hôpital ou la prison ! Quant à la maladie mentale, nombreux sont ceux qui lui donnent une définition sociale en la désignant en terme de « Folie », bien que « le fou, c’est celui qui a tout perdu sauf, la raison ». Il y a en fait trois grands courants qui postulent à une interprétation rigoureuse de la maladie mentale. D’une part, on trouve la théorie dite « Mécanoorganiciste » qui renvoie l’interprétation de la maladie mentaleaux désordres biochimique et lésionnels survenus sur l’organe noble de la pensée à savoir le Système nerveux central. La théorie psychosociologique, conçoit que la genèse des pathologies mentales est due aux difficultés existentielles et aux rapports relationnels dis fonctionnels au sein des groupes sociaux, ceuxci génèrent par conséquent des handicaps sociaux, telle que la précarité, les addictions, la délinquance, la prostitution , l’alcoolisme …etc. Enfin, la théorie psychanalytique de l’inconscient pathogène avance que toute pathologie mentale est formellement le fruit d’un désordre dans l’appareil psychique de l’être en tant que sujet parlant.« Loin qu’elle soit pour la liberté une insulte, « la folie » est sa plus belle compagne, elle suit son mouvement comme une ombre. Et l’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait l’être de l’homme s’il ne portait pas en lui la folie comme la limite de sa liberté » J . LACAN Des maux pour le dire de la maladie mentale, nous disent à leur façon, les signes de la clinique que nous côtoyons chaque jour dans nos cabinets de consultation avec la poésie de l’invention, la chaleur des images et la couleur des métaphores qui ajoutent souvent du sens à une pathologie, qui semble toujours unique. Nos maux pour le dire, sont ceux des malades mentaux qui nous traduisent ainsi leur vécu pour être écoutés dans la souffrance de leurs mots qu’ils ont inconsciemment choisis pour nous, les êtres dits « normaux », afin qu’ils traduisent quelque chose, qui peut être, nous ne la comprendrons jamais.

L’HOPITAL PSYCHIATRIQUE DE AIN ABESSA : UN LIEU QUI FAIT ’’ PANSER’’ LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE.

Inscrit dans la politique de la répartition des hôpitaux psychiatriques préconisée au niveau de chaque wilaya ; l’EHS de AIN-ABESSA en était un. Construit en dehors de l’agglomération à presque 18km de Sétif et à environ 03 Km du village, son éloignement pose énormément de problèmes. Les malades qui viennent pour des consultations en ambulatoires en souffrent doublement, du fait de la marginalisation de la pathologie mentale, qui s’ajoute à la marginalisati o n architecturale de l’institution elle même, surtout pour les malades qui viennent souvent de loin. Sachant que la majorité de ces malades, affluent des wilayas limitrophes, sans compter l’appartenance à des milieux sociaux économiques défavorisés. Ce qui nous paraît déjà, un non sens. D’une capacité d’accueil théorique de 240 lits, l’EHS de Ain-Abessa va égaler par là, celle des imaginée dans les esprits de certains décideurs a finalement a été concrétisée sur terrain malgré les remarques vaines du défunt Docteur B. BENSMAIL qui a prévenu durant toute sa vie professionnelle le retour de l’asile, il n’a cessé de dire : « Attention l’Asile Revient » Longuement rattaché au CHU de Sétif, depuis son ouverture en 1986, il lui été totalement dépendant du point de vue administratif et financier. Il a fallu attendre plusieurs années pour qu’il soit réinscrit dans un nouveau découpage où il se rallie encore au secteur sanitaire de Sétif. Sous l’égide de cette institution il a été géré encore pendant plusieurs années. Il n’a reçu sa totale autonomie qu’en 1989 . C’était le grand soulagement de ses gestionnaires et de son personnel, malgré l’émergence de beaucoup d’autres difficultés. Quant au personnel médical spécialisé, il en a connu de toutes les origines dont les Russes, vietnamiens, polonais, malien. Aujourd’hui, il tourne pratiquement à 100% avec de jeunes Psychiatres Algériens. Enfin, c’est la fierté et en même temps l’insuffisance. Quant aux psychologues ils sont nombreux sur l’établissement, mais il s’avère qu’ils sont mal formés pour entreprendre un travail clinique d’aide spécifique aux patients présentant des pathologies dites « lourdes » Quant aux consultations en ambulatoires, il existe un dispensaire d’hygiène mentale, affilié au CHU, qui contribue amplement à rendre d’excellents services à la population de malades, surtout ceux et celles qui ne peuvent se déplacer vers l’EHS Ain-Abessa. D’ailleurs, le but est non seulement le rapprochement des consultants de la structure, mais aussi le soulagement l’EHS de AINABESSA de l’afflux massif de consultants touts venants et lui permettre d’assumer convenablement sa tâche en tant que milieu de soins. A cet égard, il est souhaitable aujourd’hui de rouvrir un service de psychiatrie au niveau du CHU de Sétif. Il serait alors certainement bénéfique , et pour les psychiatres de formation hospitalo-universitaires et pour les étudiants en médecine avides d’un savoir spécialisé sur cette discipline conçue depuis longtemps comme le parent pauvre de la médecine. L’ouverture du nouveau service psychiatrique permet également aux malades présentant des anomalies organiques d’avoir un plateau technique sur place et pourront bénéficier d’une assistance médicale hospitalouniversitaire. Les sciences médicales de notre temps ont désormais dépassé le clivage du bon et du mauvais malade conception schizoïde qui ne tient plus raison. Le malade mental, n’est certes pas, comme les autres malades, mais, comme les autres, il doit se traiter dignement.


Dr Mabrouk Laoudj, Le Sétifois n°3

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