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Aïn Fouara, une histoire et un mythe

mercredi 6 juillet 2005, , article écrit par Z.S. Loutari, Le Quotidien d’Oran et publié par La rédaction


Statue de marbre, « Aïn Fouara » représente une femme nue aux formes délicates et harmonieuses. Elle a été sculptée par l’artiste français, Francis de Saint Vidal, et a été achevée le 26 février 1898. Selon une légende, la jeune femme dont il s’est servi comme modèle était une Française de Sétif. Un jour que la statue était exposée au musée du Louvre, le gouverneur militaire de Sétif tomba en extase devant elle et demanda au sculpteur de l’offrir à Sétif pour en faire une fontaine monumentale.

L’artiste accepta volontiers. La statue entreprit alors un long périple à destination de sa ville d’adoption. Elle partit en juillet 1898 de Paris vers Marseille puis embarqua à bord d’un bateau vers Philippeville (Skikda). Elle fut reçue au port, en grande pompe et fanfare, par de nombreux notables de Sétif. Son destin de sétifienne venait de commencer. De Philippeville, elle fut transportée par les moyens de l’époque jusqu’à Sétif. Le voyage dura plus de dix jours, mais finit en apothéose. Toute la communauté européenne était là pour l’attendre. La curiosité se le disputait à l’admiration. Son sort était scellé. Elle venait de captiver le coeur des Sétifiens toutes communautés confondues. L’architecte franco-italien Francissionni sera chargé du site de son emplacement. Plusieurs artisans de renommée seront mis à contribution pour parachever l’oeuvre de Saint Vidal et dresser la statue et son piédestal sur une fontaine quadriforme, dont chaque bouche se trouve en face d’un point cardinal. Par une journée glaciale de fin d’automne, l’assistance nombreuse vit d’épaisses volutes de vapeur monter de la fontaine, sous l’effet du froid intense ; des voix de Sétifiennes autochtones montèrent : « Fouara, fouara... » (elle fait de la vapeur). Cette femme nue, superstition aidant, allait prendre au fil des ans une valeur incroyable aux yeux non seulement des autochtones mais même des Européens. Surtout parmi les femmes. Celles qui n’avaient encore pas trouvé un mari venaient, sans même s’en cacher, lui demander de leur en ramener un. Et lorsque leurs voeux étaient exhaussés, les femmes revenaient en habits de fête avec youyous, passer du henné sur les mains et les pieds de la belle fée.

Malgré sa totale nudité, Fouara ne choquera pas, Pourtant, elle ne se trouve qu’à une cinquantaine de mètres de la grande mosquée de Sétif. Mais à l’aube d’une journée d’avril 1997, à moins d’une année du centenaire de la statue, le centre de Sétif fut secoué par une forte déflagration. Aïn Fouara avait été dynamitée. Les Sétifiens découvrirent avec une douleur non dissimulée que cette fée qui faisait partie de leur patrimoine, de leur vécu et de leur personnalité, avait été déchiquetée. Ils la pleurèrent, hommes et femmes, comme un être cher. L’identité de ceux qui avaient voulu frapper l’âme même des Sétifiens ne sera jamais connue. En ces temps de troubles et de violence, tout était possible pour lâcher les démons.

Mais c’est grâce aux élèves de l’école des beaux arts, que la statue fut restaurée. C’est à peine si l’on en voit encore quelques cicatrices. Mais, émus par ce qui lui a été infligé, les Sétifiens ne l’en aiment que plus.

Z.S. Loutar
Quotidien d’Oran


Z.S. Loutari, Le Quotidien d’Oran

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