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Rome, la ville éternelle était à vendre

vendredi 5 mars 2010, par A. Nedjar


A son départ de Rome, après que le sénat eut rompu le traité d’alliance qui les liait, l’hiver -110, Jugurtha s’exclama à plusieurs reprises pour dire :

"Urbem venalem et mature perituram si emptorem invenerit !"O ville à vendre ! Elle disparaîtra bientôt, si elle trouve un acheteur !"

Cette phrase restée célèbre a été remémorée par Salluste dans son livre : LA GUERRE DE JUGURTHA et rapportée par l’historien Tite-live. Elle traduit à elle seule toute la force, la puissance et la détermination de ce farouche guerrier, petit fils et successeur du non moins célèbre Massinissa, fils de Gaya, roi des Massyles ,premier Aguellid de la Numidie unifiée.

Trahi sans scrupules par Bocchus, son beau père à qui il proposait une alliance, il est livré à Sylla. Jugurtha connut une fin tragique. Après avoir marché, enchaîné, devant le char du sacre du triomphe de Marius le 1er janvier -104, il fut jeté dans une cage-prison du Tullianum dans cette même ville de Rome où il mourût de faim et de soif.

Plus tard, en -46, Vercingétorix mourut dans les mêmes conditions après avoir remis son épée à Alésia et s’être mis à genoux devant Jules César en l’an -52. Vercingétorix, un Averne, chef de la coalition des Gaulois, bénéficie d’une attention particulière dans son pays. On le remémore, il est cité dans les manuels d’histoire, des rues et des places portent son nom comme également bon nombre d’établissements scolaires en plus des stèles qui ornent les places publiques.

Jugurtha, pris les armes à la main, ne nous rappelle-t-il pas cet autre combattant des temps modernes qu’était Larbi Ben M’hidi ? Ils ont combattu pour les mêmes causes et les mêmes idéaux .Ben M’hidi est lui aussi mort dans des conditions atroces. Vingt et un siècles séparent les deux événements.

Ignorer Jugurtha, c’est faire montre d’une amnésie injustifiable et impardonnable. Ne serait-ce que vis-à-vis de nos enfants, frustrés et handicapés mémorablement du souvenir de leurs héros. Ne mérite-t-il pas qu’on remémore Jugurtha en paraphant de son nom les écoles de nos villages, les places de nos villes.

Peut être que le cours de l’histoire du monde aurait changé si Jugurtha avait mené à ses fins le combat contre Rome ?

Pour les faire connaître et les faire perpétuer, comment peut-on exhumer les noms célèbres de personnages qui ont fait l’histoire de l’Algérie antique, sinon par les livres d’histoire crédibles et des célébrations sérieuses.

Poème d’Arthur Rimbaud dédié à Jugurtha, « Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra » :

http://www.youtube.com/watch?v=asQSEOpvU88

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha...

Du second Jugurtha de ces peuples ardents,

Les premiers jours fuyaient à peine à l’Occident,

Quand devant ses parents, fantôme terrifiant,

L’ombre de Jugurtha, penchée sur leur enfant,

Se mit à raconter sa vie et son malheur :

‘’O patrie ! O la terre où brilla ma valeur !’’

Et la voix se perdait dans les soupirs du vent.

‘’Rome, cet antre impur, ramassis de brigands,

Echappée dès l’abord de ses murs qu’elle bouscule,

Rome la scélérate, entre ses tentacules

Etouffait ses voisins et, à la fin, sur tout

Etendait son empire ! Bien souvent, sous le joug

On pliait. Quelquefois, les peuples révoltés

Rivalisaient d’ardeur et, pour la liberté,

Versaient leur sang. En vain ! Rome, que rien n’arrête,

Savait exterminer ceux qui lui tenaient tête !....’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha...

‘’De cette Rome, enfant, j’avais cru l’âme pure.

Quand je pus discerner un peu mieux sa figure,

A son flanc souverain, je vie la plaie profonde !...

La soif sacrée de l’or coulait, venin immonde,

Répandu dans son sang, dans son corps tout couvert

D’armes ! Et une putain régnait sur l’Univers !

A cette reine, moi, j’ai déclaré la guerre,

J’ai défié les Romains sous qui tremblait la terre !....’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha...

‘’Lorsque dans les conseils du roi de Numidie,

Rome s’insinua, et, par ses perfidies,

Allait nous enchaîner, j’aperçus le danger

Et décidai de faire échouer ses projets,

Sachant bien qu’elle plaie torturait ses entrailles !

O peuple de héros ! O gloire des batailles !

Rome, reine du monde et qui semait la mort,

Se traînait à mes pieds, se vautrait, ivre d’or !

Ah, oui ! Nous avons ri de Rome la Goulue !

D’un certain Jugurtha on parlait tant et plus,

Auquel nul, en effet, n’aurait pu résister !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha...

‘’Mandé par les Romains, jusque dans leur Cité,

Moi, Numide, j’entrai ! Bravant son front royal,

J’envoyai une gifle à ses troupes vénales !...

Ce peuple enfin reprit ses armes délaissées :

Je levai mon épée. Sans l’espoir insensé

De triompher. Mais Rome était mise à l’épreuve !

Aux légions j’opposai mes rochers et mes fleuves.

Les Romains en Libye se battent dans les sables.

Ils doivent prendre ailleurs des forts presqu’imprenables :

De leur sang, hébétés, ils voient rougir nos champs,

Vingt fois, sans concevoir pareil acharnement !’’

Dans les monts d’Algérie, sa race renaîtra :

Le vent a dit le nom d’un nouveau Jugurtha...

‘’Qui sait si je n’aurai remporté la victoire ?

Mais ce fourbe Bocchus... Et voilà mon histoire.

J’ai quitté sans regrets ma cour et mon royaume :

Le souffle du rebelle était au front de Rome !

Mais la France aujourd’hui règne su l’Algérie !...

A son destin funeste arrachant la patrie.

Venge-nous, mon enfant ! Aux urnes, foule esclave !...

Que revive en vos cœur ardent des braves !...

Chassez l’envahisseur ! Par l’épée de vos pères,

Par mon nom, de son sang abreuvez notre terre !...

O que de l’Algérie surgissent cent lions,

Déchirant sous leurs crocs vengeurs les bataillons !

Que le ciel t’aide, enfant ! Et grandis vite en âge !

Trop longtemps le Français a souillé nos rivages !...’’

Et l’enfant en riant jouait avec un glaive !...

II

Napoléon ! Hélas ! On a brisé le rêve

Du second Jugurtha qui languit dans les chaînes...

Alors, dans l’ombre, on, voit comme une forme humaine,

Dont la bouche apaisée laisse tomber ces mots :

‘’Ne pleure plus, mon fils ! Cède au Dieu nouveau !

Voici des jours meilleurs ! Pardonné par la France,

Acceptant à la fin sa généreuse alliance,

Tu verras ’Algérie prospérer sous sa loi...

Grand d’une terre immense, prêtre de notre droit,

Conserve, avec la foi, le souvenir chéri

Du nom de Jugurtha !...N’oublie jamais son sort :

III

Car je suis le génie des rives d’Algérie !...’’

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