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Le 27 eme vendredi de la contestation populaire à Sétif. 6 mois déjà !

dimanche 25 août 2019, par Hamoud ZITOUNI


Comme coutume devenue, le peuple du hirak est sorti ce vendredi 23 aout sous un temps orageux au sens propre comme au sens figuré. La relative dissipation de l’éprouvante canicule des semaines passées n’a pourtant pas permis un regain substantiel de participation citoyenne. Comme pour les vendredis précédents, on a atteint aujourd’hui approximativement le millier de manifestants. On est très loin du pic des 20 milles personnes que les abords du siège préfectoral ne pouvaient contenir.

Avec amusement un peu déluré, certains fidèles participants, se déclarent « permanenciers » assurant le « service minimum » jusqu’à la rentrée de septembre. Les voir pleins d’optimisme et de détermination, on est enclin à les croire. Septembre c’est déjà demain.

Vers 14h 30, déployant leur riche album de slogans de plus en plus ravageurs, les « hirakistes » se mettent en ordre de marche en empruntant l’avenue du 8 mai 1945 vers la mythique Ain El Fouara. C’est à l’emplacement même où est tombé le premier martyr du mai 1945 que cela a failli dégénérer. Le mystérieux groupuscule – une dizaine de personnes - attendait « témérairement » derrière le cordon policier les marcheurs du hirak. Un second cordon de sécurité est mis en place par des éléments du hirak. Des deux côtés la tension monte très vite. Alors que les hirakistes criaient « makanche el kascrote » (allusion faite au sandwich distribué par le FLN et le RND à ses supposées troupes lors de meetings soutenant le 5 eme mandat), les voix du petit groupe n’étaient pas du tout audibles. Seules les affichettes brandies éclairaient quelque peu sur leurs motivations. On y lit que « notre projet est de défier les plans du gang (el 3issaba) et de ses suppôts, ennemi de l’Etat national novembriste…Les symboles du gang fidèles à la France… » Suivent les noms de généraux détenus, en fuite ou même morts depuis des lustres. Une autre affichette moins verbeuse mais plus provocatrice traite les hirakistes d’Ouled França (enfants de la France). Pas moins que cela ! L’histoire coloniale reste en milieu politique algérien un bon vieux fond de commerce pour se défausser de ses propres échecs ou afficher ostensiblement un douteux patriotisme de façade. Une autre encore met en garde contre « le vide institutionnel » et « l’atteinte à l’institution militaire ». Ces mots écrits par ce petit groupe de jeunes révèlent une navrante culture politique. Leur indigence ne peut cependant faire croire qu’ils ont été dictés par des voix occultes. Quelles sont réellement leurs motivations ? Faire du hirak autrement ? Dans un pays qui aspire à la démocratie, cela devrait être un droit. Dans ce cas là, le mieux est d’organiser sa manifestation un autre jour que le vendredi et ne pas squatter et perturber celle des autres. Semer le doute et la division du hirak ? C’est déjà perdu d’avance à voir la réaction urticante et unanime des hirakistes. Provoquer l’affrontement pour donner l’occasion de disqualifier l’aspect éminemment pacifique du hirak et donner l’occasion de l’interdire ? C’est aussi illusoire au vu du service d’ordre propre au hirak qui intervient rapidement et même énergiquement pour calmer les esprits chauds au sein de sa troupe.

Après échange d’amabilités peu courtoises, les hirakistes ont rapidement repris leur marche sans que l’on ne note d’empoignade aucune. Les policiers ont dû pousser un grand ouf de soulagement en voyant les uns et les autres s’éloigner en sens opposé. Les marcheurs ont alors emprunté le boulevard Cheikh Laifa. Ils n’ont pas manqué de faire une halte joyeuse et bruyante dans la trémie de Bab Biskra. Toujours dans une ambiance festive et bon enfant, la procession des manifestants s’est acheminée sur l’avenue de l’ALN en passant par le commissariat central. Comme de coutume, aucun slogan hostile à la police n’est prononcé au vu du comportement professionnel irréprochable de ses agents envers le hirak. A hauteur de l’hôtel des finances, la marche a bifurqué vers la gare ferroviaire puis a remonté la rue des frères Mezaache pour rejoindre l’avenue du 1er novembre et se terminer devant le siège de la wilaya vers 16 h 30. Là, comme de coutume, les manifestants, devenus encore plus nombreux, ont déployé en chœur, encore une fois, tout le catalogue de leurs slogans, des plus anciens aux plus récents : « Klitou leblad ya esserakine », « makanche el intikhabat maa elissabat », « Chaab yourid el istiklal », « FLN dégage, RND dégage, Bedoui dégage…) », « Daoula madania machi askaria », « ya hna ya entouma » et bien sûr, le menaçant « Rahou djaye, rahou djaye el assyane elmadani ». A quelques mètres plus bas, le même mystérieux groupe que les hirakistes appellent désormais « rangersistes », adossé, symboliquement, à la stèle du 8 mai 1945, criait des slogans rendus inaudibles par la foule hostile qui le cernait en criant encore plus fort le fameux slogan « la casse-croute, la rangers ». Le double cordon de police et de volontaires du hirak a empêché toute velléité d’affrontement.
Comme à Sétif et le reste du pays, le hirak vient de boucler ses 6 mois. Les semaines à venir seront probablement déterminantes pour la nation.
A vendredi prochain.
Hamoud ZITOUNI.

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