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Boulevard Ben Boulaïd, la CITY ou cité permissive

mercredi 15 avril 2009, écrit par A Nedjar, Sétif.Info, mis en ligne par La rédaction

I

l est cinq heure, Sétif s’éveille : chanterait Jacques Dutronc . Au beau milieu de la cité endormie, le boulevard Ben Boulaïd, offre un spectacle désolant. Seul l’éboueur de service, emmitouflé dans son grand anorak traîne encore son balais contre la chaussée et les bordures de trottoirs .Labà ,au fond ,à l’entrée de la grande place de Bab Biskra, se tiennent quelques rares voyageurs pressés .Ils attendent un taxi à destination de la capitale. Il fait froid en ce jour du mois d’avril.

Dans la journée, le Boulevard Ben Boulaïd est habituellement un de ces boulevards des plus animés et multicolore. C’est une cité dans la cité. Eté comme hiver, les visiteurs locaux et ceux venus d’ailleurs sont nombreux. C’est ici où s’opèrent l’essentiel des achats de trousseaux et autres accessoires destinés à la future mariée.

Les jeunes promises, qui, accompagnées de leurs mamans ou des grandes sœurs s’affèrent ici à réaliser les affaires de leur rêves

Tout au long du boulevard sous, les arcades, s’étale une activité variée et bien structurée.

Dring, Dring, Dring, le théâtre tout proche a sonné ses trois coups. Le spectacle n’est pas à manquer.

Le soleil est déjà haut dans le ciel. L’animation est plus dense. Des marchands de robes Fergani, du fameux ‘binoir staïfi’, de tissus de soie, de velours, de mousseline et autre brocart, en majorités des Mouzabites, ont déjà ouvert boutiques.

La mode orientale bat son plein avec ces robes amples ou serrées plus suggestives qu’expressives,domine presque tout le marché .

Il y a même quelques Africains qui s’y aventurent pour proposer leurs gris-gris à coté des Chinois qui opèrent malicieusement à quelques incursions timides en préparation d’une offensive d’ une razzia future plus ordonnée.

Change ! Change ! Vous entendrez ces voix plus loin, héler les passants inconnus .Ici, c’est aussi la bourse de plein air aux monnaies étrangères. Des milliards s’échangent et changent certainement de mains en une journée.

La règle commune n’est pas celle de la banque Centrale, pas plus qu’un tableau quelconque ne s’affiche pour indiquer le cour de monsieur Euro, dominateur et des autres devises. C’est irrésistiblement la loi de l’offre et de la demande qui prend le pas sur ces règles universelles de ces mêmes banques centrales qui structurent ce marché.

La pharmacie ’Boulahneche’ a disparu. Elle a laissé place à un cloître dont le mystère n’est pas levé à ce jour.

Juste à proximité se tiennent les uns à coté des autres ces artisans de la broderie sur cuir en fils doré, d’argent ou en or massif.

De gestes infinis, ils s’appliquent la journée durant, à trouer, percer et à faire passer le fils dans ces dessins géométriques agréables pour réaliser à la fin, ces merveilles destinées à recevoir et à fixer les Louis d’or et les boucles du même métal d’une lourde « ceintoura ».

Je me suis particulièrement attardé sur ce vieux qui, d’une précision et d’une dextérité extraordinaire, faisait passer son fil par le chai de l’aiguille du premier coup ! Extraordinaire performance applaudiront certains.

Ayant réalisé mon étonnement, il me glissa juste un petit sourire .Il continua son œuvre couvert par les klaxons et les bruits de la rue.

Poussant ma curiosité plus loin encore, je découvris presque avec stupeur la présence de cet autre vieil homme que j’avais croisé il y a si longtemps .Il exécute les mêmes gestes avec la même pondération sur les mêmes effets, avec les mêmes outils.

C’est un artiste ! Oui c’est un artiste pour passer parmi l’un des ces derniers à exercer encore ce métier d’art. Il brode les motifs sur les burnous .Blancs, noirs ou marrons il est le maître en la matière.

Sa broderie fine et légère est synonyme d’un bel encadrement pour tableau de maître sans lequel l’œuvre plastique ne serait qu’une toile quelconque.

Encore plus loin, dans un coin isolé, se réfugie un vieux tabeb qui, d’une main tremblante réalise un Harz ou un talisman contre le mauvais œil, le mauvais sort, la fuite d’un mari irresponsable ou volage ou bien pour dominer la belle qui vous ignore et celle qui vous a tourné le dos Ici, toutes les espérances et toutes les convoitises sont permises.

Pour terminer la promenade sous ces arcades bien protégées, il est bon de pénétrer chez le Khfafdji du coin,juste en face pour vous gaver des ces délicieux beignets accompagnés d’un thé fumant à la menthe.

Finir par une virée toute proche de Zkak Thahaba ou quartier des bijoutiers ferait rêver plus d’une jeune fille devant cette quincaillerie clinquante et qui ferait chavirer plus d’un coeur

C’est ça aussi le boulevard Amirouche, là où, si l’on ne réalise pas son rêve, on rêverait gratuitement pour un mari, pour une fiancée ou pour simplement un voyage faute de devises !


A Nedjar, Sétif.Info